vie de règles #17 — ma grossesse après 15 ans sous pilule

Anouk Perry
article publié le 12/07/2021 / dernière mise à jour le 11/08/2021

Quand un médecin prescrit à Marion la pilule quand elle a 13 ans, elle ne se doute pas qu’elle ne l’arrêtera que 15 ans plus tard. Récit d’une femme qui a réapprivoisé son corps.

le CV des menstruations de Marion

Prénom

Marion

Âge

33 ans

Âge de ses premières règles

12 ans

Durée des cycles

25 jours

Durée des règles

4 jours

Slogan pour désigner ses règles

« Je fais avec… Et mieux sans ! »

premières règles et pilule

Quand j’avais 10 ans, une de mes copines de classe a eu ses règles. Ça s’est vu parce qu’elle avait saigné sur sa chaise. Des enfants se sont moqués, mais c’était un mal pour un bien parce qu’on a eu un cours d’éducation sexuelle plus tôt que prévu, et que j’ai donc été éduquée sur la question. C’était mieux pour moi : même si ma mère était adorable, il y a toujours eu un tabou chez moi autour de la sexualité en général, et elle ne m’a jamais parlé de règles.

Mes menstruations sont arrivées deux ans plus tard, et malgré ma connaissance du sujet, merci à l’école, ça a été horrible. Beaucoup d’acné et des SPM très forts : la semaine avant mes règles, j’entrais dans un état dépressif avec crises d’angoisse, grosse fatigue et perte de motivation généralisée…

Un dermato m’a suggéré la pilule Diane 35 pour mes problèmes de peau, assurant que le reste allait s’améliorer, et un rendez-vous chez le gynéco plus tard, je me suis retrouvée sous pilule. J’avais 13 ans.

Cette pilule m’a aidé à me sentir mieux, et ça a duré comme ça pendant 10 ans. Et puis, vers 23 ans, j’ai commencé à faire de l’eczéma vulvaire.

Mon sexe m’irritait, et les protections hygiéniques jetables que j’utilisais pendant mes règles n’arrangeaient pas les choses. Alors j’ai décidé de prendre ma pilule en continu pour ne plus être menstruée du tout. Ça a été un soulagement, une libération. 

relancer ses règles pour mieux se retrouver 

Malgré ça, j’avais la désagréable sensation que quelque chose clochait, que je m’empoisonnais avec des hormones, et surtout que je ne connaissais pas mon corps.

Sous pilule, je m’étais vue grandir et évoluer un peu comme si je n’étais pas actrice mais spectatrice. Je ressentais de moins en moins de choses au toucher et ma libido qui n’était pas folle ne faisait que diminuer avec le temps.

Quand à 26 ans on m’a diagnostiqué un papillomavirus, avec un parcours médical qui a suivi relativement lourd, j’ai décidé de reprendre en mains mon corps et ma vie. C’est ainsi que deux ans plus tard, j’ai fait le choix d’arrêter la pilule. D’abord pour me « désintoxiquer », ensuite parce que je me sentais prête à devenir maman.

Ça a été une révélation. Non seulement je retrouvais (ou plutôt je découvrais) des sensations oubliées, inconnues, mais en plus ma libido a fait un bond.

Mon humeur aussi a changé. J’étais beaucoup plus joyeuse et heureuse de faire “l’expérience de la vie”, de mon corps. J’étais moins fatiguée. Moins déprimée aussi. Arrêter la pilule m’a révélée à moi-même. 

ma grossesse après une vie sous pilule

Cette révélation n’a pas duré longtemps car je suis tombée enceinte au bout de 3 cycles. Ma gynéco m’avait dit qu’il faudrait au moins 8 mois pour que je sois à nouveau fertile, alors on n’était pas préparé à ce que ça arrive si vite.

Ma grossesse en tant que telle a été compliquée. Hormis des difficultés relationnelles avec mon compagnon, j’ai fait du diabète gestationnel, de l’hyperthyroïdie, j’étais épuisée tout le temps. Moi qui était très sportive, je ne trouvais plus l’énergie de rien faire. Je me forçais à marcher, à bouger. C’est une période que j’ai autant adorée que détestée… Parce qu’à côté de ça, j’ai adoré être enceinte. Voir mon corps évoluer était vraiment une expérience incroyable !

Un gros point positif est que j’ai appris à observer ma vulve et à l’aimer. Je rêvais de pouvoir accoucher naturellement, par voie basse et sans péridurale. Je craignais par dessus tout l’épisiotomie et, sur les conseils avisés de ma sage-femme, j’ai appris à masser mon sexe pour hydrater et assouplir ma peau, afin de la préparer un maximum aux traumatismes de l’accouchement.

J’ai appris aussi à aimer mon corps, ce qui n’était pas chose aisée car j’ai souffert de TCA (troubles du comportement alimentaire) pendant une grosse dizaine d’années. Et si mon corps a beaucoup changé, il n’a pas tellement souffert de l’accouchement. J’ai vite retrouvé mon poids d’avant la grossesse, avec même quelques kilos en moins à cause du manque de sommeil, du stress et de la fatigue.

post-partum, retour de couche et questions sur la contraception

Après la naissance, ça a été très compliqué moralement. J’avais le sentiment que personne ne comprenait ce que je vivais, surtout au sein de ma famille. Je devais sans arrêt me justifier sur mes choix en matière d’éducation, de maternage, choix du portage, du cododo, de l’allaitement longue durée… Tout ça était, et est encore aujourd’hui, très compliqué.

Mon médecin pense que je suis en dépression depuis un bon moment, probablement depuis l’accouchement (voir notre article sur la dépression post-partum, ndlr), il y a quatre ans. Pourtant, je ne suis suivie que depuis quelques semaines.

Le retour de couche, en revanche, s’est fait tranquillement après l’arrêt de l’allaitement. Je ne voulais plus de contraceptif hormonal, alors quand mes règles sont revenues j’ai fait poser un stérilet en cuivre.

Je m’en suis bien accommodée, si ce n’est que mes règles sont passées du simple au triple, tant sur la durée que sur la quantité. Mon syndrome prémenstruel est revenu petit à petit après le retour de couches et est, encore aujourd’hui, très difficile à vivre. Toutefois, j’appréhende mes règles avec beaucoup plus de douceur et de bienveillance qu’avant.

mes règles aujourd’hui et demain 

Récemment, j’ai finalement décidé de ne plus prendre de contraception. Après quelques années, j’en avais marre d’avoir un flux si fort, et des menstruations si longues à cause de mon stérilet. Alors j’ai décidé de faire sans.

Je reconnecte à nouveau avec mon corps. Ma libido n’est toujours pas au top, mais je mets ça sur le compte de la dépression et je n’en souffre pas particulièrement. Je préfère me laisser vivre à mon rythme, petit à petit, me recentrer, me rassembler, et le plus important : m’aimer. 

Si aujourd’hui, ça va, j’ai des craintes pour le futur. Comme j’ai tendance à tout anticiper, je me prépare déjà à l’idée qu’un jour viendra la ménopause. J’essaie de laisser ça pour plus tard. De me dire que craindre quelque chose qui n’est pas encore là ça n’avance à rien.

Et puis, je me dis que cette charge qui pèse sur les personnes menstruées depuis l’enfance finalement, que ce soit en termes de contraception, d’hygiène, et qui nous poursuit jusqu’à la ménopause, il y en a ras les ovaires ! J’ai envie de dire stop. C’est tout.

Anouk Perry
Article rédigé par : Anouk Perry
Rédactrice
À la fois journaliste web et réalisatrice de podcasts, Anouk Perry cumule les casquettes toujours dans un même but : démystifier l'intime ! Sa devise ? Il n'y a pas de question stupide. Sujets de prédilection : intimité et sexualité.