tabous et mystères : petit tour des règles à travers l’Histoire
Pouvoirs maléfiques, effets négatifs sur les aliments, les animaux et même les métaux, problèmes mentaux… durant très longtemps, les règles et les personnes menstruées ont été accusées de tous les maux. Penchons nous sur la perception des règles à travers l’Histoire.
Vos premières règles vous ont plongée dans l’embarras ? Vous n’avez pas forcément su comment vous y prendre, ou pu trouver du réconfort parmi les personnes réglées de votre entourage ? C’est peut-être lié au tabou des règles. Alors même qu’elles concernent la moitié de la population mondiale, elles ont toujours été entourées de mystères. Dans certaines sociétés et à certaines époques, elles ont même fait l’objet de rejets et de discriminations. Petit tour de ces traditions surprenantes et pas franchement sympathiques…
ces ancestrales traditions qui diabolisent les règles
En remontant très loin dans l’Histoire, on retrouve des traces de cette diabolisation des règles. Pline l’Ancien, écrivain italien (décédé l’an 77 après J.C.) considérait que les femmes menstruées faisaient aigrir le vin, pourrir les céréales, tomber les fruits… Si cette idée des règles ayant un impact négatif sur la nourriture se retrouve encore aujourd’hui chez certain·e·s de nos grands-parents, Pline l’Ancien allait encore plus loin. Selon lui, elles étaient même capables de ternir les miroirs, tuer les abeilles et faire rouiller les métaux.
Et les préjugés ont mis du temps à changer. Le Moyen-Âge a aussi eu son lot de croyances à propos des règles. Comme l’explique Charlie Danger dans sa vidéo dédiée sur sa chaîne Youtube Les revues du Monde, on prêtait à l’époque des pouvoirs surnaturels aux femmes menstruées. Dans le livre Petite Encyclopédie des règles, on apprend même qu’il était courant à l’époque de croire qu’avoir des rapports sexuels avec une femme ayant ses règles donnerait naissance à un enfant roux.
De l’autre côté de l’Atlantique, les traditions étaient elles aussi surprenantes. Selon Claude Lévi-Strauss, plusieurs tribus natives d’Amérique considéraient qu’une femme ayant ses règles ne devait surtout pas manger de nourriture chaude ou froide, mais uniquement tiède. D’une tribu à l’autre, elle n’avait pas le droit de manger d’aliments crus, ou saignants, ou encore bouillis. Certaines tribus avaient pour coutume de suspendre et ficeler dans un hamac les femmes ayant eu leurs premières règles, pendant un temps allant de trois jours à deux mois.
au 19ème siècle, le début d’une réponse mais pas la fin d’un tabou
Dans la Petite Encyclopédie des règles, Sylvia Vaisman et Caroline Michel expliquent que ce phénomène a longtemps été victime d’une véritable incompréhension. Il aura fallu attendre la deuxième moitié du 19ème siècle pour que les médecins s’interrogent vraiment sur le processus biologique à l’origine des règles. Mais cela ne signifie pas que les croyances et les tabous se sont arrêtés.
En 1920, le docteur viennois Bela Schick affirmait que les femmes menstruées faisaient faner prématurément les fleurs. Selon lui, ce phénomène était lié à une substance nocive expulsée par la peau durant cette période, appelée “ménotoxine”. Toujours au début du 20ème siècle, le docteur Séverin Icard était persuadé que les femmes menstruées pouvaient développer des comportements cleptomanes, pyromanes, nymphomanes, mais aussi être victime d’hallucinations. On n’est finalement pas loin des pouvoirs maléfiques qui leurs étaient prêtés au Moyen-Âge…
Avec le temps, le regard de la société sur les règles évolue, de même que les solutions mises à disposition des personnes menstruées pour rendre cette période plus confortable. Charlie Danger explique que dans les années 20, on croyait que les femmes pouvaient perdre leur virginité à cause d’un tampon. 1963 voit l’arrivée des premières serviettes périodiques jetables.
aujourd’hui, un phénomène toujours entouré de mystères
De nos jours, les règles sont moins taboues et donc mieux gérées. Dans de plus en plus de pays, les personnes menstruées ont accès à diverses protections périodiques, et même à des solutions écologiques réutilisables. Cette année, une entreprise française a même fait le choix d’expérimenter le congé menstruel.
Pourtant, cette période que traversent la plupart des personnes réglées tous les mois est encore bordée de mystère. En 2016, le journal américain Newsweek a publié un article sur ce sujet, ensuite relayé en français par le Courrier International. L’autrice clame que 2015 restera l’année de la révolution menstruelle. Elle déplore également le fait que les règles font toujours l’objet d’un tabou. Elle fait d’ailleurs remarquer que les protections périodiques sont soumises à une taxe sur les produits de luxe dans plusieurs états.*
Tout récemment, la TikTokeuse Dakota Fink a publié une vidéo pour faire croire que les femmes changent de peau après chaque période de règles. De nombreuses femmes se sont amusées à poursuivre cette blague sur les réseaux sociaux. Si l’initiative est plutôt drôle, c’est aussi une façon de se moquer des tabous et des non-dits qui continuent à entourer cette période, pourtant complètement naturelle.
*En France, les protections périodiques bénéficient de la TVA 5,5%, réservée aux produits de première nécessité depuis 2016 seulement ! Avant ça, elles étaient taxées comme n’importe quel autre produit de consommation à 20%, soit la TVA sur les produits de luxe.