les règles, en parler pour lutter contre un tabou persistant

Mélusine Sorgato
article publié le 05/03/2021 / dernière mise à jour le 08/06/2021

Le propre d’un tabou c’est qu’il invisibilise un sujet en le passant sous silence. De cette façon, il conduit à sa méconnaissance et permet l’émergence de mythes… C’est le cas des règles.

le tabou des règles : l’art de la dissimulation

Entre tabou et méconnaissance, les sociétés ont construit une vision erronée des menstruations. Cette vision entraîne un sentiment de honte lié au fait d’être réglé·e chez certaines personnes. En effet, d’après une enquête américaine (2018), 58 % des personnes interrogées se sentent honteuses lors de leurs menstruations. Le sang qui s’écoule en début de chaque cycle est en effet considéré négativement, comme quelque chose de “sale”. Il doit dès lors demeurer caché, condition nécessaire pour être socialement acceptable. En témoignent les multiples expressions permettant de nommer les règles de manière détournée : les ragnagnas, les lunes, les Anglais débarquent… C’est un véritable cercle vicieux.

La publicité en est le principal témoin avec un défi qui a longtemps été le sien : vendre des protections périodiques invisibles. On en n’est plus là aujourd’hui. Toutefois, il y a encore quelques années, un étrange liquide bleu était utilisé pour montrer l’absorption des protections dans les publicités de grandes marques. Cette pratique a longtemps contribué à invisibiliser le sang menstruel. Aujourd’hui, de plus en plus de marques montrent plus ou moins timidement du sang rouge et il était temps.

des mythes générateurs d’inégalité et d’injustice sociale

Le sujet des règles inspire de nombreux mythes à travers le monde… Alors qu’elles concernent près de la moitié de la population mondiale, elles restent en proie à l’ignorance et aux fantasmes. 

Les mythes autour des menstruations contribuent à donner aux personnes menstruées une perception assez négative d’elles-mêmes : dégoût de son corps, honte de sa condition… et une méconnaissance de son propre corps puisque le sujet est passé sous silence. 

Les règles sont de plus sources d’injustice et de discrimination. Dans certains pays notamment, les femmes sont considérées comme “impures” lors de leurs règles. Par exemple, au Népal, elles doivent s’exiler pendant cette période, ce qui engendre bien souvent une déscolarisation des plus jeunes…

Plus proche de nous, en France, il a fallu attendre 2015 pour que les protections périodiques soient reconnues comme des produits de première nécessité et bénéficient à ce titre d’un taux de TVA réduit (5,5 % au lieu de 20 %). C’était à l’époque “un pas” vers l’accessibilité des protections à tou·te·s initié par le collectif féministe Georgette Sand. La gratuité des protections périodiques n’était pas encore à l’ordre du jour.

la lutte contre la diabolisation des menstruations 

Si le règne du silence était de rigueur concernant les menstruations, il semble aujourd’hui toucher à sa fin. En France, de plus en plus de personnes s’emparent du sujet pour le porter sur la place publique. Individu·e·s isolé·e·s à travers les réseaux sociaux, associations, médias, collectifs et entreprises s’activent. À travers de multiples initiatives, le tabou entourant les règles commence à se briser. Voici quelques exemples ayant contribué à lever le voile : 

  • Depuis 2014, chaque 28 mai se déroule la journée internationale de l’hygiène menstruelle plus connue sous son nom anglais le Menstrual Hygiene Day (MHD). Cette journée à l’initiative de l’ONG WASH United a pour but de sensibiliser sur l’importance de l’hygiène menstruelle et de parler des différentes situations vécues à travers le monde, qu’il s’agisse d’une question d’éducation, de culture ou de tabou des règles.

  • En 2016, un Menstruathon a vu le jour. Projet mené par Madmoizelle.com et Dans Ma Culotte, en association avec des programma·trices·teurs de la Coding School, le but était d’imaginer des jeux sur la thématique des menstruations, afin d’apprendre de façon ludique, tout en luttant contre le silence entourant le sujet. 

  • En 2017, à l’occasion de la journée internationale des filles, le collectif féministe INSOMNIA a teinté l’eau des fontaines parisienne en rouge pour dénoncer le tabou.

  • En 2018, le hashtag #PayeTesRègles voit le jour sur Twitter. L’objectif de ce hashtag lancé par Axelle De Sousa était de parler des règles et, plus précisément, de leur coût. Elle a par la même occasion adressé une pétition réclamant la prise en charge de ces protections pour les personnes précaires par la Sécurité sociale à Agnès Buzin, alors ministre de la Santé.

  • En 2019, Gaëlle Baldassari, coach et auteure du programme « Kiffe ton cycle », a créé le premier Sommet du cycle menstruel

  • La même année, Irene (@irenevrose sur Instagram), activiste féministe, se passe de protections menstruelles pendant 12 heures. Elle se prend en photo dans Paris, jambes écartées. Son objectif était de dédiaboliser le sang menstruel et d’exiger la prise en charge des protections périodiques réutilisables pour tou·te·s.

  • En 2019 toujours, l’association Règles Élémentaires crée la Red Friday, conjointement avec la militante Camille Aumont Carnel du compte @jemenbatsleclito. Ouvert à tou·te·s les participant·e·s, cette collecte géante de protections périodiques a pour objectif de lutter contre la précarité menstruelle. Engagée aux côtés de Règles Élémentaires, Dans Ma Culotte y a contribué en donnant 1000 protections périodiques lavables et en participant physiquement à la collecte.

  • Depuis quelques années, de plus en plus de livres, films et séries (dont l’excellente série de Netflix Sex Education qu’il faut voir absolument) ainsi que des chansons parlent de règles. Si l’on part du principe que les distractions culturelles sont le reflet de notre société, le tabou autour des règles n’a qu’à bien se tenir :-) 

pourquoi est-il nécessaire de parler des règles ?

Parler des menstruations permet de prendre conscience qu’elles sont génératrices d’inégalités entre les personnes menstruées elles-mêmes.

En effet, les règles ont un coût financier non négligeables puisque doivent être achetés :

  • protections périodiques,

  • solutions naturelles ou antispasmodiques pour lutter contre les douleurs menstruelles,

  • des vêtements ou draps si malheureusement certains ont été tachés…

C’est bien parce qu’on parle de plus en plus des règles, qu’aujourd’hui le terme “précarité menstruelle” est présent dans les médias et que même le Gouvernement français s’intéresse au sujet.

Mélusine Sorgato
Article rédigé par : Mélusine Sorgato
Rédactrice web SEO
Entrepreneure web passionnée, Mélusine Sorgato a fusionné sa quête pour un monde plus juste et plus durable à sa passion de la communication et des mots. Curieuse de tout, ses sujets de prédilection recouvrent notamment l’empowerment au féminin, les médecines douces et le body positivisme.